Hommage à Henri Michaux
Poésie De Henri Michaux
« Les choses sont une façade, une croûte. Dieu seul est. Mais dans les livres, il y a quelque chose de divin.
Le monde est mystère, les choses évidentes sont mystère, les pierres et les végétaux. Mais dans les livres peut-être y a-t-il une explication, une clef.
Les choses sont dures, la matière, les gens, les gens sont durs, et inamovibles.
Le livre est souple, il est dégagé. Il n'est pas une croûte. Il émane. Le plus sale, le plus épais émane. Il est pur. Il est d'âme. Il est divin. De plus il s'abandonne ».
« ... Dans les livres, il cherche la révélation. Il les parcourt en flèche. Tout à coup, grand bonheur, une phrase ....un incident... un je ne sais quoi, il y a là quelque chose... Alors il se met à léviter vers ce quelque chose avec le plus qu'il peut de lui-même, parfois s'y accole d'un coup comme le fer à l'aimant. Il y appelle ses autres notions « venez, venez ». Il est là quelque temps dans les tourbillons et les serpentins et dans une clarté, qui dit
« c'est là ». Après quelque intervalle, toutefois, par morceaux, petit à petit, le voilà qui se détache, retombe un peu, beaucoup, mais jamais si bas que là où il était précédemment. Il a gagné quelque chose. Il s'est fait un peu supérieur à lui-même.
Il a toujours pensé qu'une idée de plus n'est pas une addition. Non, un désordre ivre, une perte de sang-froid, une fusée, ensuite une ascension générale.
Les livres lui ont donné quelques révélations. En voici une : Les atomes. Les atomes, petits dieux. Le monde n'est pas une façade, une apparence. II est : Ils sont., Ils sont, les innombrables petits dieux, ils rayonnent. Mouvement infini, infiniment prolongé. »
Henri Michaux
Plume précédé de Lointain intérieur
J
e suis tellement faible (je l'étais surtout), que si je pouvais coïncider d'esprit avec qui que ce soit, je serais immédiatement subjugué et avalé par lui et entièrement sous sa dépendance ; mais j'y ai l'œil, attentif, acharné plutôt à être toujours bien exclusivement moi.Grâce à cette discipline, j'ai maintenant des chances de plus en plus grandes de ne jamais coïncider avec quelqu'esprit que ce soit et de pouvoir circuler librement en ce monde.
Mieux ! M'étant à tel point fortifié, je lancerais bien un défi au plus puissant des hommes. Que me ferait sa volonté ? Je suis devenu si aigu et circonstancié, que, m'ayant en face de lui, il n'arriverait pas à me trouver.
H. Michaux, extrait "Lointain Intérieur"
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Et circulant dans mon corps maudit, j'arriverai dans une region où les parties de moi étaient fort rares et où pour vivre, il fallait être saint. Mais moi, qui autrefois avais tellement aspiré à la sainteté, maintenant que la maladie m'y acculait, je me débattais et je me débats encore, et il est évident que comme ça je ne vivrai pas.
J'en aurais eu la possibilité, bien ! Mais y être acculé, ça m'est insupportable."
Un Barbare en Chine (extrait)
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fluide, fertile
double du double
double de tout redoublement
pétales ouverts
pétales sans fin, parfumés du parfum de l'indicible
la fleur du perpétuel
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" Dans l'étroite salle
qui cesse d'être étroite
calme vient à notre rencontre
un calme de bienvenue
composé d'allonges, d'allonges
abandons non dénombrés
Emplacement n'est plus ici
n'est plus là
on a cessé d'en avoir, d'en vouloir
Du cotonneux en tous sens
vacillant, indéterminé
sur le passé qui sombre
Tourments, tournants dépassés
un corps pourtant non disparu a coulé
Lieux quittés
Temps du calme continu
Parfait
non modulé.
Temps dans lequel on ne sera plus déconcerté
divisé,
dans lequel rien n'interpelle,
où ne débouche phénomène aucun
Plus de rencontre
Monde sans gradins
ou aux milliers d'imperceptibles gradins
accidents indistinctement coulissant dans de similaires accidents
Egalisation
enfin trouvée
enfin arrivée
qui ne sera plus interceptée.
On y vogue.
Jubilation à l'infini de la disparition des disparités. "