La muse vénale de Baudelaire
La muse vénale
Ô muse de mon coeur, amante des palais,
Auras-tu, quand Janvier lâchera ses Borées,
Durant les noirs ennuis des neigeuses soirées,
Un tison pour chauffer tes deux pieds violets ?
Ranimeras-tu donc tes épaules marbrées
Aux nocturnes rayons qui percent tes volets ?
Sentant ta bourse à sec autant que ton palais,
Récolteras-tu l´or des voûtes azurées ?
Il te faut, pour gagner ton pain chaque soir,
Comme un enfant de choeur, jouer de l´encensoir,
Chanter des Te Deum auxquels tu ne crois guère,
Ou, saltimbanque à jeun, étaler tes appas
Et ton rire trempé de pleurs qu´on ne voit pas,
Pour faire épanouir la rate du vulgaire.
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